samedi 31 décembre 2016

L'île de Tabarca ou les caprices du destin

   Dans toute la région de Valencia il n'existe qu'une seule île qui soit habitée, face à la côte de Santa Pola: l'île de Tabarca, dont les conditions, caractéristiques et histoire en font un cas unique chez nous.

   Avec 1400 mètres de longueur et 450 de largeur au maximum, l'île compte avec 59 habitants enregistrés; pourtant, elle arrive à recevoir la visite de 3000 personnes par jour en été. De par sa forme, on peur la diviser en trois parties: la Cantera (le chantier), la localité de San Pablo et el Campo (le Champ), et ses ressources terrestres, bien au contraire que celles qu'on trouve sous la mer, sont très limitées. Sur l'île il n'y a même pas une goutte d'eau douce, qui arrive aujourd'hui à travers d'une canalisation sous-marine, de même que l'électricité. Ces infrastructures ont été construites récemment.

Église de Tabarca, sur le rempart nord

     D'ici on peut voir parfaitement toute la côte d'Alicante, qui est assez proche (3 milles marins jusqu'au cap de Santa Pola). Malgré la rare beauté et la tranquillité de l'endroit, parfaits pour le tourisme contemporain, il est difficile pourtant de comprende comment une communauté humaine a pû s'etablir de façon permanente dans un lieu où aucun arbre ne pousse.

   En fait, l'histoire des gens de Tabarca est digne d'un roman d'aventures. Tout le long du Moyen Âge, l'Illa Plana  (l'île plate, comme on la dénomait alors), était un nid de pirates, contrebandiers et d'autres oiseaux de la haute mer, qui étaient ses seuls habitants éventuels, faissant désesperer les villes voisines, habituellement attaquées par ces truands d'outre-mer. Des nouvelles tours de guet, si tipiques de notre horizon, sont bâties; mais cela ne suffit pas, et on devra attendre un événement qui eut lieu au XVIII siècle face à la côte de la Tunisie pour que le destin de notre île change pour toujours.



   Á quelques 400 mètres de la côte de la Tunisie existe une île dite Tabarka, peuplée à cette époque-là par une communauté de Génois occupés à la pêche et à la récolte du corail rouge. Leur routine changera quand, après la conquête du bey d'Alger, ils sont faits prisonniers. Ce sont des longues années en captivité, presque 30, où ces gens sont portées d'un côté à l'autre, jusqu'à ce que le roi d'Espagne, Charles III, décide de payer la rançon. Par hasard, il y avait tout un plan de fortification qui était en train de se développer le long de la façade méditerranéenne espagnole, et l'occupation de l'île plate était très opportune afin d'éliminer cette cachette des pirates. En même temps, elle deviendrait place forte et position avancée de la ville d'Alicante.

Alicante. La première montagne à gauche est le Benacantil, où se dresse la forteresse de Sainte Barb



   On crée alors ex nihilo, vers 1769, le village de San Pablo sur l'île de Nueva Tabarca (la Nouvelle Tabarca), qui devient pour nous un exemple très intéressant de planification de l'urbanisation, inspiré dans les théories utopistes qui circulaient aux temps du Siècle des Lumières. Des trois parties du territoire qu'on a commenté, une restera vide (le Champ, la plus large), destinée à la culture des plantes; dans la partie du milieu on bâtira le village, avec un mur d'enceinte bastionné; la troisième, à l'extremité orientale, sera utilisée comme chantier pour l'extraction de la pierre avec laquelle on allait lever les bâtiments et remparts. D'ailleurs, on avait en tête l'dée de créer une communauté autosuffisante.

Porte de Saint Raphael. Entrée principale

Rempart nord


   Le village a un plan orthogonal, avec deux rues principales qui se croisent à la place Carolina, où l'on peut voir quatre réservoirs. Il y a trois portes d'entrée, une église et la maison du Gouverneur. Le château n'a jamais été bâti.

Place de l'église


   Neuf ans se sont écoulés, et on a décidé d'envoyer d'Alicante une délegation pour évaluer comment les choses se passaient sur l'île. Pas trop bien, à vrai dire, puisque les nouveaux habitants ménaient une existence plutôt misérable. La terre était mauvaise, le seul fruit des champs étant la figue de Barbarie, et l'eau stockée dans les réservoirs était insuffisante. En outre, la manque de financement et le changement des politiques méditerranéennes de la Couronne laissèrent le village inachévé et peu à peu, les tabarquins furent abandonnés à leur sort. En 1850 la garnison et le gouverneur partirent pour toujours. Et, en plus, la mauvaise qualité de la pierre nous a laissé des bâtiments et remparts vite dégradés. 

Ancienne plantation de figues de Barbarie, sur le point de disparaître

   On a du mal à imaginer ce que la vie de ces gens depuis son établissement jusqu'à nos jours a pu être. C'est, sans doute, un admirable exemple de survie.
   Et pourtant, ils avaient une énorme richesse: les fonds marins, qui plus tard deviendraient la première réserve marine déclarée en Espagne, en 1986. Tabarca a été, en plus, le dernier lieu de nos mers à démanteler ses madragues.
 
    Aujourd'hui Tabarca est un destin très particulier et intéressant qui mérite d'être visité, non seulement à cause de son histoire, mais aussi de sa gastronomie et ses criques. La plonge sous-marine vous rendra peut-être des images inoubliables.

Côte sud

   Les principales liaisons maritimes avec l'île partent de Santa Pola et Alicante, mais on peut aussi prendre un bateau de Guardamar, Torrevieja ou Benidorm. 
  
   Et n'oubliez pas d'embaucher un guide officiel, qui vous offrira toute sorte de détails...   
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vendredi 30 décembre 2016

Les bains de la reine (Calpe)

   Si nous nous promenons sur les plages de la province d'Alicante il y a des endroits très intéressants sur lesquels on peut tomber. Ce sont des sites que les locaux appellent "les bains de la reine". Au nombre de trois, on peut les voir à Jávea, à el Campello et à Calpe. C'est justement de ces derniers que l'on va parler aujourd'hui.


   Sur l'image on voit qu'il s'agit de six bassins de pierre "tosca" (pierre locale) creusée qui pénètrent dans la mer et qui sont liées à celle-ci afin d'empêcher que l'eau ne stagne. Les contours parfaitement géométriques des travaux et la perfection de la taille de la pierre attirent notre attention.
  
   D'après la légende, dans ces piscines prendrait le bain, dans le temps des maures, une belle reine, qui descendait de son palais à travers les tunnels secrets qui lui servaient de passage. La paisible existence de cette femme toucha à sa fin le jour où les chrétiens conquirent ces terres et tuèrent le roi. Une nuit de pleine lune la reine maure, emportée par la tristesse, entra dans les bains et peu à peu s'enfonça dans la mer, disparaissant pour toujours. 
  
   Cas typique de la tradition valencienne où tout ce qui appartient aux temps immémoriaux a été qualifié comme "l'oeuvre des maures".

   Et pourtant tous les éléments matériels mentionnés dans la légende existent, même s'ils ne remplissaient pas exactement la fonction décrite: les bassins, les tunnels... et le "palais". Tout cela, parfaitement intégré à nos baigneurs contemporains, on peut le voir pendant une promenade sur la plage.

Exemple des canalisations et de connexion entre les différentes parties

   Mais ce site est cependant bien plus ancien que les oeuvres du "temps des maures". Il appartient plutôt au temps des romains.
   En effet, de même que dans d'autres villes côtières de cette periode, on bâtit ici tout un complexe industriel pour l'élevage et la manipulation des poissons, desquels on profitait absolument tout: on le consommait en fraîche, bien sur, mais aussi on élaborait des salaisons ou la sauce "garum", avec les intestins et le fretin, ou obtenaient une espèce de farine des os et des arêtes. Les six bassins sont donc des établissements piscicoles et il y aurait des vannes afin d'empêcher ou de laisser couler l'eau entre les différentes parties.

   Et le palais? Bon, voilà l'affaire le plus étonnant, au moins pour celle qui écrit ces lignes. Juste derrière nous, de l'autre côté de la prommenade maritime, on voit un terrain clôturé où l'on devine à peine les traces des vestiges de ce que les archéologues appellent "vicus" romain, c'est-à-dire, un petit quartier. Sur le site on a pu identifier deux logis, l'un d'entre eux unique au monde à cause de son plan circulaire, les chambres autour de la cour centrale, des entrepôts, des réservoirs, un système de distribution de l'eau douce (provenant du sous-sol) dont le point central est la grande noria... le tout décoré avec un riche éventail multicouleur de marbres provenant de tous les coins de la Meditérrannée qui forment d'élégants dessins en utilisant plusieures techniques décoratives de l'époque. Ce qui demontre le dynamisme des échanges commerciaux et culturels dans ce petit coin du monde romain.

   Sur le sujet, l'Institut d'Estudis Calpins, ensemble au Ajuntament de Calp ont dédié aux bains de la reine une publication monographique qui peut être consultée sur http://historiadecalp.net/Calp02.pdf 





   L'ensemble des roches sur l'eau de la mer est aussi surprenant à cause de ses formes bizarrement carrées et rectangulaires. L'explication est simple: le site fût aussi utilisé comme carrière depuis l'antiquité. C'est un type de pierre qu'on appelle "tosca" ici, "marès" aux îlles Baléares, et qui est composée par des dépôts de sable calcaire fossilisé. Il s'agit d'une pierre assez "moue", poreuse et facile de travailler avec. L'église médiévale de saint Barthélemy à Jávea en est un bon exemple. 

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