vendredi 20 janvier 2017

Marché Central d'Alicante, où la ville se donne rendez-vous le matin

   Le Marché Central d'Alicante est l'un des points les plus animés lors des matins à la ville, surtout si on y va vendredi ou samedi. Là on pourra trouver des produits frais offerts par la terre et la mer: des fruits et légumes de la Vega Baja, des boulangeries avec des pâtisseries traditionnelles, de la viande et du poisson frais, des herboristeries, des confits dans le vinaigre, des salaisons, des produits ménagers... Un assaut aux sens.


   Le marché ne se trouve pas loin des lieux touristiques. Vous le trouverez au début de l'avenue Alfonso el Sabio.

   Le bâtiment a été inauguré en 1922. Précédemment, ce qu'on connaissait comme le Vieux Marché se trouvait face au port, là où aujourd'hui la Maison Carbonell se dresse majestueuse.

   La façade principale est triangulaire, en brique, et son perron est le lieu de rencontre pour beaucoup de gens qui s'y donnent rendez-vous à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. De l'autre côté, sa façade postérieure donne sur une place très animée, nommée des Fleurs jusqu'en 2010, à cause des étals qui vendent cette marchandise. Ici on célèbre des évènements populaires variés tout au long de l'année; on y verra aussi plusieurs terraces où l'on peut prendre le petit déjeuner, des tapas ou cette petite bière qui va si bien en milieu de matinée.

Façade principale
Façade postérieure
   Mais malhereusement, ici il survint un des épisodes les plus tristes et sanglants de l'histoire de la ville. Il s'agit du bombardement du 25 mai 1938, au moment de la Guerre Civile Espagnole.

   Permettez-moi de vous mettre en contexte très rapidement. Le conflit armé explose officiellement le 17-18 juillet 1936, à cause d'un coup d'état contre le gouvernement de la république, qui sera soutenu par une partie de l'armée. Le pays, divisé en deux camps, le camp républicain et le camp nationaliste, entrent en guerre. Alicante restera du côté de la république jusqu'à la fin de la guerre et, même si elle était placée à l'arrière-garde, elle sera bombardée à plusieurs reprises.

   D'habitude, les avions assaillant la ville arrivaient du côté de la mer, puisqu'ils avaient sa base à Majorque (les Baléares appartennaient au camp national). Les rebelles, en plus, récevaient de l'aide militaire de l'Allemagne de Hitler et de l'Italie de Mussolini. C'est précissement à ce dernier pays qu'appartennaient les Savoia S-79 qui sont partis de l'île à huit heures du matin pour arriver à Alicante vers onze heures et quart et décharger sur la place ses bombes en deux passages, avec un intervalle de quatre minutes. Ce matin le marché était particulièrement concurrencé. Une cargaison de sardines venait d'arriver au port et les gens s'étaient rendus au marché en grande nombre afin d'acheter ses provisions. Les alarmes n'étaient pas sonnées, peut-être parce que les avions avaient manoeuvré pour entrer à Alicante des l'intérieur et non pas par la mer, comme il en était l'habitude. C'est ainsi qu'ils ont évité les écoutes anti-aériennes. Les habitants de la ville n'ont pas eu le temps d'aller aux refuges. Les avions ont jeté 90 bombes, les plus lourdes de 100 kg de poids, sur le marché et ses alentours.  
   
   Le bilan a été de quelque 300 morts, chiffre comparable au bombardement de Guernica au Pays Basque (celui représenté par le Guernica de Picasso). L'offensive n'avait pas pour cible un quelconque point stratégique (le port, des infrastructures ferroviaires, l'aérodrome de Rabassa..) ; bien au contraire, elle a été lancée contre la population civile, ce qu'à l'époque n'était pas normal du tout. D'après les témoignages des survivants, les scènes qu'on voyait étaient affreuses; on n'entrera pas dans les détails. Aujourd'hui un hommage discret sur le sol de la place nous rappelle ces faits. Ce souvenir est composé par 9 plaquettes en allusion aux neuf avions, 300 lumières rouges qui s'allument tous les jours à l'heure du bombardement et qui se rapportent aux victimes, et 90 points noirs qui représentent les bombes lâchées cette matinée-là.


    Si on entre au Marché à travers du Rond Point (bâtiment circulaire qui se trouve sur la façade principale) on verra, à l'intérieur d'une vitrine, l'ancien horloge qui s'est arrêté sous l'intensité des impacts pour immortaliser l'heure de l'évènement fatal. À droite, on verra l'alarme qui était placée sur la façade et qui, ce matin-là, n'est sonnée que trop tard. 


    Si vous avez un intérêt spécial sur le sujet, le web de l'association culturelle Alicante Vivo (en espagnol) est assez complet. C'est grâce à eux que la mairie a changé le nom de la place en 2010 en place du 25 Mai. 

    Et, bien au dépit de tout cela, il s'agit d'un endroit très agréable et gai. Flanquée par des marchands de fleurs, la place constitue un très animé point de rencontre quotidien, particulièrement les weekends. Ici commence pour beaucoup le tardeo, néologisme pour l'activité qui consiste à prendre, entre midi et six heures, des cañas et tapas (bières et mets en petite quantité) assis sur une terrace ou en pied au milieu de la place, car il est parfois difficile de trouver une table pour s'asseoir. L'ambiance de fête est en tout cas abondante.


   Et si, après un ensoleillé matin d'hiver, avec ses cañas et ses tapas, vous sentez l'irrépressible élan de ne pas rentrer chez vous, il n'y aura qu'à suivre la folle foule, qui vous indiquera quel est le prochain point d'arrêt sur la route du tardeo.

2 commentaires:

  1. Très intéressant. Nous adorons visiter les marchés et ceux de l'Espagne, effectivement, ont un petit quelque chose de spécial. Un jour, nous irons voir celui de Alicante.

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    1. Merci Boomers en liberté! Et oui, c'est vrai, je crois que les marchés de n'importe quelle ville sont toujours des incontournables si on veut les connaître et les comprendre... Venez, vous ne serez pas déçus.

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