Si nous nous promenons sur les plages de la province d'Alicante il y a des endroits très intéressants sur lesquels on peut tomber. Ce sont des sites que les locaux appellent "les bains de la reine". Au nombre de trois, on peut les voir à Jávea, à el Campello et à Calpe. C'est justement de ces derniers que l'on va parler aujourd'hui.
Sur l'image on voit qu'il s'agit de six bassins de pierre "tosca" (pierre locale) creusée qui pénètrent dans la mer et qui sont liées à celle-ci afin d'empêcher que l'eau ne stagne. Les contours parfaitement géométriques des travaux et la perfection de la taille de la pierre attirent notre attention.
D'après la légende, dans ces piscines prendrait le bain, dans le temps des maures, une belle reine, qui descendait de son palais à travers les tunnels secrets qui lui servaient de passage. La paisible existence de cette femme toucha à sa fin le jour où les chrétiens conquirent ces terres et tuèrent le roi. Une nuit de pleine lune la reine maure, emportée par la tristesse, entra dans les bains et peu à peu s'enfonça dans la mer, disparaissant pour toujours.
Cas typique de la tradition valencienne où tout ce qui appartient aux temps immémoriaux a été qualifié comme "l'oeuvre des maures".
Et pourtant tous les éléments matériels mentionnés dans la légende existent, même s'ils ne remplissaient pas exactement la fonction décrite: les bassins, les tunnels... et le "palais". Tout cela, parfaitement intégré à nos baigneurs contemporains, on peut le voir pendant une promenade sur la plage.
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Exemple des canalisations et de connexion entre les différentes parties
Mais ce site est cependant bien plus ancien que les oeuvres du "temps des maures". Il appartient plutôt au temps des romains.
En effet, de même que dans d'autres villes côtières de cette periode, on bâtit ici tout un complexe industriel pour l'élevage et la manipulation des poissons, desquels on profitait absolument tout: on le consommait en fraîche, bien sur, mais aussi on élaborait des salaisons ou la sauce "garum", avec les intestins et le fretin, ou obtenaient une espèce de farine des os et des arêtes. Les six bassins sont donc des établissements piscicoles et il y aurait des vannes afin d'empêcher ou de laisser couler l'eau entre les différentes parties.
Et le palais? Bon, voilà l'affaire le plus étonnant, au moins pour celle qui écrit ces lignes. Juste derrière nous, de l'autre côté de la prommenade maritime, on voit un terrain clôturé où l'on devine à peine les traces des vestiges de ce que les archéologues appellent "vicus" romain, c'est-à-dire, un petit quartier. Sur le site on a pu identifier deux logis, l'un d'entre eux unique au monde à cause de son plan circulaire, les chambres autour de la cour centrale, des entrepôts, des réservoirs, un système de distribution de l'eau douce (provenant du sous-sol) dont le point central est la grande noria... le tout décoré avec un riche éventail multicouleur de marbres provenant de tous les coins de la Meditérrannée qui forment d'élégants dessins en utilisant plusieures techniques décoratives de l'époque. Ce qui demontre le dynamisme des échanges commerciaux et culturels dans ce petit coin du monde romain.
Sur le sujet, l'Institut d'Estudis Calpins, ensemble au Ajuntament de Calp ont dédié aux bains de la reine une publication monographique qui peut être consultée sur http://historiadecalp.net/Calp02.pdf
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L'ensemble des roches sur l'eau de la mer est aussi surprenant à cause de ses formes bizarrement carrées et rectangulaires. L'explication est simple: le site fût aussi utilisé comme carrière depuis l'antiquité. C'est un type de pierre qu'on appelle "tosca" ici, "marès" aux îlles Baléares, et qui est composée par des dépôts de sable calcaire fossilisé. Il s'agit d'une pierre assez "moue", poreuse et facile de travailler avec. L'église médiévale de saint Barthélemy à Jávea en est un bon exemple.
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