dimanche 29 janvier 2017

La palmeraie de Elche

   Elche: on connaît peu de chose de cette ville au sud d'Alicante. Surtout on connait la Dame d'Elche, statue de femme ibère de 2500 ans d'antiquité habitant le MAN (Musée Archéologique National, Madrid), avec ses deux chignons, son peigne et mantille, si typiques de notre costume traditionnel. On a à l'esprit son beau visage, anodin, inexpressif, son regard énigmatique.

   Mais, et la ville? Est-ce qu'on la connaît? 

Vue du Parc Municipal et de l'Hort de Baix dès l'autre côté du "fleuve"


   On peut dire qu'à présent Elche est une ville industrielle, dont l'activité est axée sur la production de chaussures. Elle est, en plus, la troisième ville en importance de la région, après Valencia et Alicante, avec presque 230.000 habitants, à peu de kilomètres de la capitale de la province, qui en a 334.000.

   Les origines de l'Elche qu'on connaît aujourd'hui il faut les chercher à l'époque de l'invasion musulmane (an 711). Ce n'est plus l'Heliké qui a vu naître la Dame dont on parlait au début, non, ça c'est une autre ville (mais la même) à 3 km au sud, dont on parlera à une autre occasion. Aujourd'hui on parlera de la madinat Ils qui a vu grandir la superbe palmeraie, devenue l'an 2000 Patrimoine de l'Humanité.





   Tout ce qui nous est resté semble nous parler d'un plan urbain soigneusement pensé. Les données topographiques (une plaine près du maigre débit du fleuve Vinalopó) et les vestiges des remparts musulmans nous renvoient à une ville au plan rectangulaire, complètement entourée par des plaines maraîchères. Du côté gauche du fleuve sortait un canal qui passait à travers du centre ville afin de fournir les bains publics, le marché, les tanneries, etc. avec de l'eau, et qui, était subdivisé après en différentes branches pour irriguer les palmiers des plaines maraîchères. Ce canal fonctionne encore à présent, bien qu'avec des propos plus modernes.


Fleuve Vinalopó à son passage par le centre ville
   Ce fleuve, ne porte presque pas d'eau; actuellement il n'arrive même pas à la mer, se perdant dans un canal d'irrigation (on peut le vérifier sur Google Earth). Et au cas où ça ne suffirait pas, ses eaux sont salobres, puisqu'il passe à travers des terrains très salins. On ne peut pas, pour autant, boire cette eau.

   Mais voilà les musulmans qui sont arrivés de terres encore plus arides pour porter à terme le miracle agricole, en créant une immense oasis là où auparavant il n'y avait que du sparte. Des syriens, des egypciens et des berbères ont mis en commun leurs connaissances et, en peu plus d'un siècle, ils ont fait de madinat Ils une des villes les plus prospères de Xarq al-Andalus (l'est d'al-Andalus). L'ingénierie mise en place avait pour but non seulement porter jusqu'à la dernière goutte d'eau aux parcelles agricoles les plus éloignées, mais d'en optimiser son usage. Leur pièce clé sera la Phoenix dactylifera, c'est-à-dire, le palmier dattier.

Hort de Sant Plàcid, où on peut voir une représentation contemporaine de la structure et fonctionnement des ces plaines maraîchères.

   Il y a plusieurs hypothèses sur l'arrivée de cette espèce-là. Comme vous le savez bien, les palmiers sont des plantes appartenant à des zones subtropicales de la planète; elles ne sont donc pas autochtones du sud de l'Europe (deux espèces exceptées). L'hypothèse la plus acceptée est celle qui soutient que ce furent les Phéniciens qui apportèrent ici les palmiers lors de leurs voyages commerciaux du premier millénaire avant Jésus-Christ, mais leur culture, ordonnement et développement fut porté à terme par les musulmans. Ils ont crée des parcelles rectangulaires, les unes à côté des autres pour bien profiter le parcours des canaux d'irrigation et éviter ainsi la perte d'eau. Ces parcelles étaient divisées en différents niveaux de culture, tout en partant du centre. Ici on pouvait trouver des plantes herbacées, telles que le coton ou la luzerne, entourées par un deuxième niveau d'arbres fruitiers comme des grenadiers ou oliviers, le tout borné par des files de palmiers dattiers plantés aux bord des canaux d'irrigation. De cette façon-là, l'ombre qu'ils produisent empechent, d'un côté, l'évaporation de l'eau, et de l'autre, ils créent un microclimat à l'intérieur de la parcelle plus frais et humide. Et bien sur, pour ce type d'agriculture il fallait choisir des plantes tolérantes à un certain degré de salinité dans l'eau.

   Le palmier, en plus, a eu une multiplicité d'usages: il produit des dattes (des fruits qui ont une valeur énergetique très élevée), avec ses stipes on faisait les colonnes des porches si typiques des maisons de campagne d'Elche, des bancs pour s'asseoir, ils produissent aussi une espèce de fibre avec laquelle on peut faire des paillassons ou des cabas. Le palmier faisait partie d'une façon de vivre, d'un système économique où tout était profité (c'était un monde où on recyclait et où les déchets n'existaient pas). Voilà sa raison d'être jusqu'à l'arrivée de l'industrialisation et la chaussure à la fin du XIXème siècle.


Hort de Rogeta, son usage traditionnel perdu. Il y a des palmiers aux formes particulières

   Les agriculteurs et ses familles habitaient hors des murs de la ville, dans les plaines maraîchères l'entourant. Ils s'y rendaient à chaque fois qu'ils avaient besoin de réaliser ses échanges économiques, régler ses affaires avec l'administration, célébrer ses fêtes ou prier et se protéger derrière les murs en cas d'attaque.

   À présent à Elche le palmier est une espèce protégée; il y en a autour 200 mille, ce qui est surprenant si on pense aux épisodes d'urbanisme sauvage ayant eu lieu tout au cours du XXème siècle, et très particulièrement au moment où des milliers des familles ont émigré afin de chercher du travail dans les manufactures de chaussures. Deux siècles auparavant il y en avait, probablement, deux fois autant de palmiers qu'il y en a maintenant; le paysage devait être vraiment frappant, à ce que racontent les voyageurs qui y arrivaient aux XVIIIème et XIXème siècles.


Hort de Baix, qui aujourd'hui fait partie du Parc Municipal

   La palmeraie est, tout à fait, patrimoine de l'humanité par des différentes raisons. En premier lieu, parce qu'elle représente le transfert d'un paysage typique d'un continent vers un autre (de l'Afrique vers l'Europe, seul exemple qu'on connaît); puis, parce qu'elle a survecu non seulement au passage du temps, mais aussi au changement de civilisation (de la musulmane à celle chrétienne et à la postmodernité après). On ne parle donc pas d'un paysage naturel, mais culturel, car il a été crée par des êtres humains. 

   Si vous visitez la ville, l'office de tourisme a inventé une route à travers les différentes parcelles; allez-y, on vous donnera une carte. La route est vraiment intéressante, il arrive un moment où l'on n'est plus conscient du moment historique ou de l'endroit où on se trouve...

Office de tourisme


   Et si vous souhaitez réaliser cette visite accompagnés d'une guide conférencière, n'hésitez pas à nous contacter.

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